India · 6 mai 2020 · 4 min
Le Trust Aga Khan pour la culture (AKTC) a créé l’entreprise Insha-e-Noor dans le but d’autonomiser les femmes vivant dans le basti de Hazrat Nizamuddin, situé près du site patrimonial de la tombe de Humayun, et de leur procurer des moyens d’existence. En temps normal, les employées de cette entreprise produisent des souvenirs dont les motifs s’inspirent des monuments alentours, mais depuis l’émergence du nouveau coronavirus, elles mettent tout leur savoir-faire au profit de la production de masques. Plus de 10 000 masques ont déjà été distribués au sein de leur communauté.
Swati Batra, membre de la Fondation Aga Khan (Inde), nous parle de ce projet.
Women at work producing masks (left) and distributing them to health workers (right).
AKDN
En quoi consiste l’entreprise Insha-e-Noor et quand a-t-elle été créée ?
Insha-e-Noor est une entreprise de femmes basée dans le basti de Hazrat Nizamuddin. En 2008, dans le cadre de son Programme d’évaluation de la qualité de vie mené dans cette zone, le Réseau Aga Khan de développement (AKDN) a découvert que seulement 9 % des résidentes avaient un travail. Afin de renforcer les possibilités économiques de ces femmes et de permettre à un plus grand nombre de travailler et de gagner un revenu, le Trust Aga Khan pour la culture a créé Insha-e-Noor dans le cadre de son Initiative de rénovation urbaine de Nizamuddin.
À l’origine, il s’agissait d’un programme de formation professionnelle. Plus de 200 femmes ont ainsi été formées à la couture et à la broderie et ont obtenu la certification Jan Sikshan Sansthan, une initiative de formation professionnelle lancée par le gouvernement indien. En 2011, Insha-e-Noor a obtenu le label officiel de centre de production artisanal. La société est désormais enregistrée comme entreprise de production, et toutes ses membres sont également actionnaires.
Quels sont ses objectifs ?
L’objectif principal d’Insha-e-Noor est d’offrir à ses membres, à savoir les femmes du basti de Hazrat Nizamuddin, une source de revenus stable, valorisée et digne. Toutes les recettes provenant des ventes reviennent donc directement aux artisanes et au groupe.
Combien de femmes travaillent dans l’entreprise ? Pouvez-vous nous en dire plus sur elles ?
Près de 100 femmes du basti de Hazrat Nizamuddin travaillent directement avec Insha-e-Noor, mais beaucoup d’autres qui suivent une formation au centre et travaillent par la suite depuis leur domicile y sont indirectement associées.
La plupart sont des femmes qui n’ont pas un bagage scolaire conséquent ni les moyens de se déplacer loin de chez elles. Grâce aux revenus qu’elles gagnent en y travaillant, elles sont en mesure de soutenir leur famille.
Que produisez-vous habituellement ?
Chez Insha-e-Noor, les femmes sont formées à cinq corps de métier, la broderie, le sanjhi (l’art du découpage du papier), le crochet, la confection de vêtements et la reliure et le conditionnement. Sous la supervision de formatrices spécialisées, elles produisent de nombreux objets d’artisanat raffinés vendus sous la marque d’Insha-e-Noor.
La plupart des produits vendus par l’entreprise s’inspirent de motifs que l’on retrouve sur les monuments moghols qui bordent le basti, notamment la tombe de Humayun.
Vous avez récemment concentré les activités de l’entreprise sur la fabrication de masques de protection, pourquoi avez-vous pris cette décision ? À qui sont destinés ces masques ?
Avec l’émergence de cette pandémie, les stocks de masques ont très vite été en rupture. Il était donc devenu urgent d’en produire pour répondre à la demande.
Insha-e-Noor a ainsi commencé à fabriquer des masques en tissu seulement quelques jours avant le confinement complet de Delhi, après quoi nos membres ont continué d’en fabriquer depuis chez elles. Le premier lot de masques était réservé aux professionnels de la construction, aux artisans, aux jardiniers, aux agents de sécurité, aux professionnels de la santé et aux autres personnes travaillant dans le quartier.
Lorsque la situation s’est aggravée et que le basti de Hazrat Nizamuddin a été identifié comme l’un des foyers de la maladie à Delhi, les membres d’Insha-e-Noor ont commencé à produire des masques pour l’ensemble de la communauté. Ces masques payés par l’AKTC/AKDN sont disponibles pour les résidents et les sans-abris du basti. Différents points de retrait ont été mis en place dans le quartier, notamment près des toilettes publiques, de l’école et des épiceries.
Les masques sont lavables et réutilisables et fabriqués à partir d’un coton qui ne se décolore pas et non abrasif.
Pouvez-vous nous décrire la situation dans le basti de Hazrat Nizamuddin à l’heure actuelle ? À quel point la vie a changé ?
Ici, la vie a changé de manière radicale et presque du jour au lendemain. Il est devenu difficile de se procurer des articles de première nécessité, et les résidents peinent encore plus à accéder aux établissements médicaux.
C’est également dans le basti que se trouve le siège du Tablighi Jamaat (Association pour la prédication), dont de larges congrégations ont été infectées par le coronavirus. Cependant, il n’y a pas eu un seul cas d’infection parmi les résidents du basti depuis l’évacuation du siège de l’Association il y a plus d’un mois.
Le quartier étant densément peuplée, il est difficile d’y maintenir une certaine distance physique. Toutefois, les équipes de la Fondation Aga Khan (AKF) n’ont pas ménagé leurs efforts pour sensibiliser la population. Les résidents ont compris la gravité de la situation et font de leur mieux pour suivre les recommandations.
L’AKDN met-il en œuvre d’autres activités pour soutenir la population du basti ?
Nos agents de santé bénévoles ont épaulé l’administration de Delhi dans la conduite d’une enquête à domicile. Dans la zone confinée, nous avons distribué des rations alimentaires à 600 familles parmi les plus vulnérables, pendant que l’administration mettait en place des réseaux de distribution.
Les agents de santé communautaires formés par l’AKF jouent également un rôle déterminant. Ils sensibilisent la population et diffusent des informations essentielles. Une campagne de messages vocaux a également été mise en place. Un message vocal traitant d’un sujet important lié au coronavirus est envoyé chaque jour sur les téléphones des résidents.
C’est formidable. Merci, Swati.